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Pourquoi la justice française demande un procès dans l’affaire criminelle tentaculaire Sky ECC

« Un moyen de communication à destination (quasi) exclusive des organisations criminelles. » C’est ainsi que les deux juges d’instruction chargés de l’enquête tentaculaire sur Sky ECC, ouverte en 2019, décrivent cette application ultrasécurisée. A l’issue de cinq ans d’investigations, ils ont ordonné un procès pour trente personnes, dont quatre dirigeants de la maison mère canadienne, Sky Global Inc., huit distributeurs et une flopée de revendeurs, renvoyés notamment pour « association de malfaiteurs ».
« Depuis plus d’une décennie, Sky Global Inc. a généré des centaines de millions de dollars de bénéfices en facilitant l’activité d’organisations criminelles transnationales et en protégeant ces organisations des forces de l’ordre », écrivent les magistrats dans leur ordonnance de mise en accusation, révélée par l’Agence France-Presse (AFP), dont Le Monde a pris connaissance. Selon eux, les mis en cause « savaient, ou ne pouvaient raisonnablement ignorer à tout le moins, que ce produit était susceptible d’attirer la convoitise des organisations criminelles ».
Sur les trente personnes renvoyées devant la cour d’assises spéciale de Paris, compétente en matière de trafic de stupéfiants en bande organisée, seules douze ont été mises en examen au cours de la procédure. Les dix-huit autres sont toujours visées par des mandats d’arrêt, parmi lesquelles quatre dirigeants de Sky Global, dont le patron, le Canadien Jean-François Eap, qui n’a jamais pu être entendu par les enquêteurs. Un de ses proches, Thomas Herdman, considéré par les magistrats instructeurs comme un des principaux distributeurs de l’application, est le seul, dans ce dossier, à être encore incarcéré.
Cette affaire, dans laquelle il est question d’organisations mafieuses, de trafic de drogue, de trafic d’armes, et d’assassinats, débute en 2018, en Belgique, avec la découverte de cette application présentant un système de cryptage digne du niveau de sécurité des chefs d’Etat. L’arme du crime se présente comme un banal téléphone, semblable à tous les autres, mais qui a la particularité d’avoir été reconfiguré pour ne remplir qu’une fonction : envoyer des messages via une application réputée inviolable.
Ces téléphones reformatés étaient facturés 1 300 euros avec six mois d’abonnement (ou 10 000 euros pour cinq ans) et écoulés à travers le monde grâce à une quarantaine de distributeurs et à une petite armée de revendeurs. Selon les magistrats, l’application a été utilisée dans des dizaines de pays, principalement au Canada, aux Pays-Bas, au Brésil, en Espagne, en Serbie, en Allemagne, en France, en Belgique ou encore en Italie. « Le déploiement de la solution Sky ECC a généré un chiffre d’affaires total de plus de 426 millions d’euros », précisent-ils.
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